L’économie des pêches au Québec : quatre propositions pour favoriser la commercialisation des produits marins du Québec sur le marché domestique (partie 2/2)

18 02 2021

Par Gabriel Bourgault-Faucher

Institut de recherche en économie contemporaine (IRÉC)

Cette seconde d’une série de deux fiches économiques présente en quelques lignes les tenants et aboutissants d’un rapport de recherche sur l’économie des pêches au Québec de l’IRÉC, publié par le RQM en décembre dernier (1).

Dans la précédente fiche, nous avons exposé quatre constats clés permettant de mieux saisir la situation actuelle des pêcheries au Québec et l’environnement dans lequel elles baignent (2).

Dans le cadre de la présente fiche, nous nous pencherons sur quatre propositions qui prennent appui sur les constats tirés précédemment. Elles sont réalisables à court terme, ainsi qu’à une échelle locale et régionale, c’est-à-dire celle du Québec maritime. Elles ont également pour ambition de constituer une première étape en vue d’impulser des changements de fond dans le modèle de développement des pêcheries et des communautés de pêcheurs qui prévaut à l’heure actuelle. Ces propositions ont toutes pour horizon de favoriser la commercialisation des produits marins du Québec sur le marché domestique. Cela, en soulignant l’importance de développer de nouveaux circuits de valorisation et de distribution, ainsi que de doter l’économie des pêches de nouveaux mécanismes de traçabilité et de coordination afin de faciliter l’arrimage de l’offre à la demande.

Ainsi, la première proposition est de créer une équipe d’intervention et de développement du domaine des pêches. La deuxième proposition est de développer de nouvelles infrastructures en prenant notamment appui sur la Stratégie maritime du Québec. La troisième proposition est d’instaurer une meilleure traçabilité et une meilleure identification des produits de la mer du Québec. Enfin, la quatrième proposition est de mettre en place un mécanisme régional de coordination de l’offre et de la demande de produits de la mer.

Proposition n° 1 – Créer une équipe d’intervention et de développement du domaine des pêches

La création d’une telle équipe permettra de créer des liens, de soutenir et d’accompagner sur les plans stratégique et opérationnel des initiatives qui contribueront à l’autonomie alimentaire du Québec, en consacrant une part considérable de produits marins au marché intérieur, tout en présentant un fort potentiel pour le développement régional. Le mandat de cette équipe d’intervention sera d’appuyer et d’accompagner les acteurs du secteur des pêches qui en font la demande à commercialiser leurs produits sur le marché domestique. Loin de viser la création d’une nouvelle structure, cette initiative cherchera plutôt à s’appuyer sur les ressources et les compétences existantes, en proposant une mobilisation et une coordination renouvelée de ces dernières. Cette proposition se fonde sur une initiative similaire qui existe depuis déjà deux ans dans le monde agricole et forestier dans le Bas-Saint-Laurent, nommée AGROFOR (3). 

La création d’une telle équipe permettra de créer des liens, de soutenir et d’accompagner sur les plans stratégique et opérationnel des initiatives qui contribueront à l’autonomie alimentaire du Québec, en consacrant une part considérable de produits marins au marché intérieur, tout en présentant un fort potentiel pour le développement régional. Le mandat de cette équipe d’intervention sera d’appuyer et d’accompagner les acteurs du secteur des pêches qui en font la demande à commercialiser leurs produits sur le marché domestique. Loin de viser la création d’une nouvelle structure, cette initiative cherchera plutôt à s’appuyer sur les ressources et les compétences existantes, en proposant une mobilisation et une coordination renouvelée de ces dernières. Cette proposition se fonde sur une initiative similaire qui existe depuis déjà deux ans dans le monde agricole et forestier dans le Bas-Saint-Laurent, nommée AGROFOR (3). 

Proposition n° 2 – Prendre appui sur la Stratégie maritime du Québec pour développer de nouvelles infrastructures

La Stratégie maritime du Québec a été mise en place en 2015. Il s’agit d’un outil intégré de développement durable (sur les plans économique, social et environnemental) des industries utilisant le Saint-Laurent, notamment les pêches. Le premier plan quinquennal (2015-2020) arrive à échéance cette année et, dans le cadre du prochain plan quinquennal, il est pertinent d’intégrer un volet de développement ou de structuration des pêcheries québécoises qui facilitera l’acheminement des produits de la mer vers le marché domestique.

Ce plan doit servir à mettre en place une série d’infrastructures partagées (bâtiments, équipements, etc.) qui permettront d’alléger considérablement les coûts de transport et d’entreposage tout en diminuant les contraintes logistiques pour les entreprises du secteur des pêches du Québec maritime – ainsi que pour l’ensemble des entreprises du secteur bioalimentaire et même manufacturier. Le but d’une telle initiative est qu’il soit plus aisé et plus attrayant, pour ces entreprises, de commercialiser leurs produits sur le marché intérieur. Ces mesures serviront à la fois à atténuer l’éloignement du Québec maritime des bassins de consommateurs des centres urbains et à favoriser une meilleure circulation et distribution à l’intérieur même du Québec maritime.

Proposition n° 3 – Développer une meilleure traçabilité et une meilleure identification des produits de la mer du Québec

Les enjeux autour de la traçabilité et de l’identification des produits de la mer du Québec concernent à la fois les acteurs du secteur des pêches (pêcheurs, transformateurs, distributeurs) et les consommateurs. Ces enjeux ne sont d’ailleurs pas nouveaux : depuis le début des années 2000, plusieurs efforts sont faits pour en améliorer les mécanismes. Toutefois, force est d’admettre que beaucoup de chemin reste à parcourir en la matière.

La présente proposition consiste à mobiliser, accompagner et amener les acteurs du secteur des pêches à collaborer afin qu’ils élaborent et mettent en place un système de traçabilité et une identification commune de leurs produits, entre autres par une plus grande homogénéisation des normes de production et la mise en place d’un cadre réglementaire et de mécanismes de vérification et de contrôle adéquats.

En réalité, les produits marins du Québec répondent déjà à des critères et des normes de production élevés, qu’il suffit de mettre en évidence et de mieux intégrer aux circuits logistiques. Puisque la plupart de ces normes et standards sont déjà respectés par l’industrie, il s’agit surtout de s’entendre et d’objectiver ces normes de production et ce cadre réglementaire afin d’en faire reconnaître officiellement les particularités. Le caractère distinctif des produits de la mer du Québec doit être mis de l’avant systématiquement ou, du moins, à grande échelle. Il faut en ce sens que les produits de la mer du Québec deviennent facilement identifiables et que leurs caractéristiques soient mieux reconnues.

Proposition n° 4 – Mettre en place un mécanisme régional de coordination de l’offre et de la demande de produits de la mer

Ce mécanisme aura pour fonction de regrouper l’offre des acteurs du secteur des pêches et de faciliter son arrimage avec la demande. Autrement dit, il s’agit de réunir des entreprises qui seraient prêtes à élaborer des partenariats, à collaborer, afin qu’elles développent ensemble une stratégie commune de mise en marché.

Un mécanisme régional de coordination peut prendre plusieurs formes. Par exemple, cela peut être une simple plateforme commune de commercialisation, plateforme qui permet à la fois aux consommateurs particuliers, mais aussi aux restaurants commerciaux, aux poissonneries et aux services alimentaires institutionnels – comme les garderies, les écoles et les hôpitaux du Québec maritime –, de s’approvisionner plus facilement en produits de la mer issus de la région.

Cela peut aussi prendre une forme similaire à celle que nous retrouvons en agriculture, à savoir la formule ASC (4), tout en l’adaptant à la réalité des poissons et des fruits de mer et de leur caractère hautement périssable. La « pêche soutenue par la communauté » permet à des consommateurs d’acheter, au début de chaque saison, une partie des captures des pêcheurs. Des regroupements de pêcheurs, et même de transformateurs, peuvent dès lors travailler ensemble à développer des colis de produits marins diversifiés, qui sont récupérés lors de points de vente collectifs. Quoi qu’il en soit, il s’agit là d’exemples qui ne doivent pas occulter l’idée principale : nous devons développer de nouveaux instruments pour apparier l’offre et la demande en produits de la mer du Québec.

Conclusion

Les propositions avancées dans le cadre du rapport de recherche sur l’économie des pêches au Québec visent à faire bouger les lignes. Elles pointent toutes dans la direction d’un meilleur usage collectif des atouts détenus par le secteur des pêches. Ces atouts pourraient être utilisés comme levier de développement pour les communautés de pêcheurs du Québec maritime, mais aussi comme point d’appui pour la création de nouveaux circuits de valorisation et de distribution des produits de la mer. Elles sont en ce sens entièrement tournées vers une meilleure structuration de l’offre. Les diverses initiatives qui prennent place et qui cherchent, par la promotion et l’éducation populaire, à changer les mentalités, à développer de nouveaux goûts, de nouvelles habitudes alimentaires, et à créer une culture culinaire autour des ressources comestibles du Saint-Laurent ne peuvent qu’être saluées. 

Toutefois, il est indispensable que l’offre en produits de la mer du Québec emboîte le pas, sans quoi l’initiative risque tout simplement de finir en queue de poisson. Pour cela, l’État québécois a un important rôle à jouer. En révisant en premier lieu ses politiques de promotion des exportations et en intervenant de manière soutenue pour réorienter le secteur des pêches vers le marché domestique. Il doit développer de nouveaux outils d’intervention et aider les entreprises à réaliser, très concrètement, l’autonomie alimentaire du Québec maritime et du Québec dans son ensemble. Il doit contribuer à instaurer une pêche à l’image de ce que les consommateurs québécois recherchent et qui aura par la même occasion des retombées accrues pour les communautés de pêcheurs. Une pêche artisanale et côtière, locale et de proximité, écologique, diversifiée et axée sur la qualité plutôt qu’une pêche monospécifique, peu transformée, fondée sur la quantité et l’exportation massive.

Références

1 – Pour consulter et télécharger ce rapport, voir plus bas.

2 – Cette première fiche est accessible ici.

3 – L’Italien, F. (2018). L’unité d’intervention AGROFOR : pour propulser les filières agricoles et forestières. Institut de recherche en économie contemporaine (IRÉC), Fiches techniques, [en ligne].

4 – La formule ASC (agriculture soutenue par la communauté) est un mode de commercialisation en circuit court, local et équitable. Il permet aux consommateurs d’acheter directement aux producteurs environnants, à un prix juste, une partie de leur production pour une période prédéterminée. Le tout étant payé à l’avance, au début de la saison, le consommateur accepte de partager avec le producteur les risques inhérents à la production agricole. La distribution se fait généralement à un point de collecte et sous forme de panier ou de colis.