Le prix du crabe des neiges: comprendre les mécanismes et les enjeux économiques

2 06 2022

Par Gabriel Bourgault-Faucher et François L’Italien

Avril 2022

Contexte

Le présent rapport de recherche s’inscrit au sein d’une démarche plus générale menée en partenariat avec le collectif Manger notre Saint-Laurent et ayant pour objectifs de « mettre en valeur » les ressources alimentaires comestibles (animales et végétales) de l’ensemble du Saint-Laurent (fleuve, estuaire, golfe), de promouvoir le plaisir de manger ces aliments locaux et de promouvoir la souveraineté alimentaire » (RQM, 2020).

Une première phase de cette démarche, portée par Manger notre Saint-Laurent en 2018-2019, consistait à documenter les enjeux prioritaires auxquels sont confrontés les acteurs de la filière halieutique du Québec maritime. Le second volet, auquel l’IRÉC participe actuellement, vise à développer des interventions qui permettront de valoriser les ressources du Saint-Laurent. Cette démarche se base sur une analyse de l’économie des pêches au Québec adressant plus spécifiquement les enjeux entourant la commercialisation des produits marins québécois sur le marché domestique.

Faits saillants

  • Depuis quelques années, le prix du crabe des neiges (Chionoecetes opilio) atteint des sommets inégalés. Entre 2010 (3,97 $/kg) et 2021 (16,30 $/kg), le prix au débarquement a plus que quadruplé, suivant un taux de croissance annuel moyen de 14 %. L’année 2022 établira vraisemblablement un nouveau record;
  • Comprendre cette hausse vertigineuse du prix du crabe des neiges au cours des dernières années nous renvoie à l’analyse des principaux déterminants de l’offre et de la demande à l’échelle mondiale, puisque c’est dans ce cadre que s’inscrit l’industrie du crabe des neiges au Québec;
  • Du côté de l’offre globale, les débarquements de crabe du genre Chionoecetes ont culminé en 2015 et depuis les volumes diminuent d’année en année. En ce qui concerne la demande globale, les données quantitatives font défaut, mais tout indique qu’elle est forte et stable, voire croissante;
  • L’industrie du crabe des neiges au Québec maritime traverse actuellement une période faste, où à la fois pêcheurs et transformateurs engrangent des revenus imposants d’une année à l’autre. Si cela constitue, sur le court terme, une bonne nouvelle pour ces acteurs, nous devons prendre le recul nécessaire devant cette conjoncture pour soulever les enjeux économiques de long terme qui y sont associés;
  • Le premier enjeu est celui de la place du crabe des neiges dans l’alimentation et l’économie du Québec. Depuis plusieurs décennies, cette ressource est massivement extraite, emballée puis exportée vers les marchés mondiaux, ce qui engendre un important découplage avec les communautés côtières, ne génère pas toutes les retombées souhaitées et contribue faiblement à l’autonomie alimentaire;
      • Le second enjeu est celui de la viabilité économique, à terme, d’un modèle qui est largement dépendant des aléas des marchés mondiaux. Si l’industrie du crabe des neiges bénéficie actuellement des hauts que connaissent ces marchés, elle est aussi sujette à ses bas;
      • Enfin, et corollairement au second enjeu, le troisième concerne la viabilité écologique du modèle. Nous sommes prévenus : les changements climatiques amènent et vont amener des transformations et des défis inédits aux pêcheries;

      En conclusion, nous avançons deux propositions pour affronter les enjeux soulevés. Ces propositions sont davantage des voies à explorer que des mesures éprouvées et détaillées:

      1. La première proposition concerne la création d’un dispositif de stabilisation partielle des prix. Il s’agirait d’adopter un mécanisme de détermination du prix du crabe des neiges qui serait en vigueur sur le marché québécois, et qui serait fondé sur les coûts de production;
      2. La seconde proposition consiste en une voie à privilégier pour préparer maintenant l’avenir des pêches. Le Québec gagnerait à mettre sur pied un fonds de diversification des pêches destiné à doter le secteur du coussin financier suffisant pour faire face aux aléas économiques et écologiques qui surviendront;

      Dans tous les cas, une nouvelle recette, autre que le fish and ship, s’impose. Une recette qui consiste à « Garde-Manger notre St-Laurent », c’est-à-dire consommer localement les ressources comestibles du Saint-Laurent tout en en prenant le plus grand soin.

      Lisez la note de recherche complète ici: