Joseph Roy : vivre de plongée et d’eau fraîche

19 12 2022

Par Mange ton Saint-Laurent!

« Quand on se lève le matin, on a beau être fatigué, (…) on arrive dans l’eau et c’est comme un autre monde. On ne pense plus de la même façon. »

Trois mois par année, Joseph Roy enfile sa combinaison de plongée pour partir à la recherche d’oursins verts près de Cacouna, dans le Bas-Saint-Laurent. Ce petit fruit de mer tant adoré de plusieurs pays étrangers, notamment le Japon, commence à se frayer tranquillement un chemin dans les habitudes alimentaires des Québécois. Et c’est tant mieux, car le Saint-Laurent en regorge. 

Le capitaine Vincent Brière (à gauche) et Joseph Roy (à droite). Photo : Yoanis Menge pour Mange ton Saint-Laurent!

L’animal vit dans les mers froides, et l’on peut le retrouver jusqu’à une profondeur de 800 m. Les gonades (appareil reproducteur, autrement nommé langues ou corail) constituent la partie comestible de cet échinoderme.

C’est donc pendant un mois et demi à l’automne et un autre mois et demi au printemps que Joseph s’adonne à la recherche de ce « foie gras des mers ». Suivant l’horaire des marées, il prend le large avec son capitaine, quatre matelots et trois autres plongeurs pour se rendre à l’Île aux Lièvres, située entre Saint-Siméon et Rivière-du-Loup.

« On ramasse peut-être une tonne et demie d’oursins par personne. Si on est 4 plongeurs, ça fait un voyage de 6-7 tonnes. On fait environ 4 heures de plongée, une heure aller, une heure retour puis une heure de déchargement donc ça fait des journées de 7-8 heures. »  Des tonnes d’oursins qui sont ramassés à la main, un à un, par Joseph et ses compagnes… un travail de moine ! Et donc une pêche des plus durables.

Mais comment est-ce qu’un petit garçon de Lanaudière est-il parvenu à devenir plongeur dans le Saint-Laurent? « J’ai toujours fait beaucoup d’apnée quand j’étais petit, en famille, on allait dans les lacs et les rivières. » Après le secondaire, le jeune homme a entendu parler du cours de plongée professionnelle donné à l’Institut maritime du Québec à Rimouski et il a décidé de se lancer.

Une décision qui semble avoir été juste, car plus de deux ans après avoir obtenu son diplôme, Joseph semble toujours aussi passionné par son métier, lui qui souhaite plonger pour le reste de sa vie. Même si, admet-il, il y a des journées plus difficiles.

« Quand on ne trouve pas d’oursins, c’est embêtant. Et parfois, on trouve des oursins, mais ils ne sont pas de bonne qualité. On peut longtemps se trouver tout juste à côté d’une ligne d’oursins de grande qualité, mais ne jamais la trouver. »

C’est donc avec un objectif très clair en tête que Joseph et les plongeurs avec qui il travaille se lancent à l’eau trois mois pour année : trouver le plus d’oursins de bonne qualité possible.

Si la plongée est une passion, il n’est pas question de vagabonder dans les fonds marins lorsqu’il est en service. Le plus beau moment de sa courte carrière a d’ailleurs été de tomber sur une véritable mine d’oursins verts : je suis tombé sur un champ d’oursins épais, immense… c’était un moment incroyable. »

C’est que la ressource se porte plutôt bien. La pêche à l’oursin vert dans l’estuaire et le nord du golfe du Saint-Laurent a débuté en 1991. Quatorze zones ont été créées, mais plusieurs n’ont été jusqu’ici que peu ou pas exploitées. L’espèce figure d’ailleurs sur la liste Fourchette bleue, un programme qui vise la saine gestion des ressources marines du Saint-Laurent.

« C’est une richesse qu’on a au Québec, mais qui n’est pas très connue. Le directeur des pêcheries malécites, [Guy-Pascal Weiner], qui s’occupe de notre permis de pêche, s’est forcé pour qu’on en vende au Québec cette année, mais puisque la demande n’est pas élevée, ça rend les choses complexes. »  Guy-Pascal, accompagné de Fourchette bleue et des Pêcheries Norref, a en effet rendu possible une campagne initiée par La Table Ronde qui avait pour objectif de valoriser l’oursin vert dans près d’une centaine d’établissements de restaurateurs membres du collectif à l’automne 2022.

Mais malgré cette initiative à la fois réjouissante mais très complexe pour notre marché local, il en demeure pas moins qu’à l’heure actuelle, ce sont surtout les Japonais et les Américains qui profitent des trouvailles de Joseph et de son équipe. Les oursins sont achetés par un transformateur américain qui extrait les gonades et les envoie ensuite au Japon, et un peu aux États-Unis. « Avec l’acheteur américain, comme la demande est toujours très grosse, on peut sortir en mer dès qu’il fait beau », explique le plongeur. 

C’est la raison pour laquelle des organisations telles que Mange ton Saint-Laurent! œuvrent pour que les Québécois s’approprient les ressources comestibles du Saint-Laurent, comme l’oursin vert, et qu’ils puissent se servir d’abord : 

« Il faudrait le faire découvrir aux Québécois. De temps en temps, des journalistes viennent sur le bateau pour faire des reportages sur l’oursin, donc peut-être qu’au fil du temps les gens en achèteront un peu plus. »

Et lorsque la demande québécoise augmentera, Joseph Roy compte bien être au rendez-vous pour remplir les assiettes des Québécois : « On est toujours bien dans l’eau donc je ne vois pas le jour où ça ne va plus me tenter. »