Dave Cotton : le pêcheur-entrepreneur amoureux et audacieux

6 Mar, 2023

Par Mange ton Saint-Laurent!

C’est en compagnie de son épouse et partenaire d’affaires Nathalie Tapp que Dave Cotton se connecte au lien Zoom que nous lui avons envoyé pour qu’il nous raconte son parcours dans l’industrie de la pêche. Aucun doute, l’amour règne entre le Gaspésien et la Témiscabitibienne d’origine. Il ne s’en cache d’ailleurs pas, c’est cette complicité qui aura contribué au succès de leurs nombreux projets.

Car en matière de réussites, la paire excelle. En 2012, le couple rachète l’entreprise familiale pour fonder les Pêcheries Danamé spécialisées dans la capture de crevettes nordiques. La compagnie connaîtra un tel succès dans les dix années suivantes qu’on leur fera une offre d’achat sans qu’ils aient à lever le petit doigt. En 2018, forts de leur audace, Nathalie et Dave fondent OCÉAN CAM spécialisées dans les caméras sous-marines pour les pêcheurs.

Crédit photo: Yoanis Menge

Mais commençons par le commencement. Comment devient-on entrepreneur dans le milieu de la pêche au Québec ?

Dave Cotton grandit au sein d’une petite famille issue d’un milieu de pêcheurs. Son père devient propriétaire d’un chalutier de poissons de fond dans les années 70 et transmet la passion à son fils, Dave, bien que ce dernier souffre… du mal de mer.

Cette indisposition le forcera à se questionner sur son avenir, mais la passion aura le dessus sur tout le reste. Après avoir rencontré Nathalie en 1990, Dave s’inscrit à la technique de pêche à l’école des pêches de Grande-Rivière en 1991. 

« Là, mine de rien, il se passe un tournant dans l’entreprise parce que même si on est jeunes, mes parents voient qu’on a un esprit différent. Un esprit d’analyse, une vision future », raconte l’entrepreneur.

Au nombre des idées du couple, mentionnons celle de vendre des crevettes fraîches en écailles, qui n’ont jamais été congelées, ni cuites, contrairement à la majorité des crevettes du Saint-Laurent sur le marché. Un projet pour le moins innovant qui parle à plusieurs acheteurs de Montréal, Québec, Ottawa et même New York et Boston.

Non seulement, les crevettes fraîches sont plus savoureuses, mais les vendre est également plus avantageux pour les pêcheurs et poissonneries qui peuvent sauter l’étape de la transformation du produit.

Le projet dure 4 ans, mais des défis administratifs d’ampleur en ont finalement raison. Le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) leur exige un permis fédéral de transformation et Dave et Nathalie se mettent à emballer les crevettes chez La Crevette du nord atlantique.

« Ils avaient une très belle ouverture d’esprit, mais c’est venu gruger notre profit. On a fait ça pendant 4 ans, puis un moment donné, trop de complexité, trop de découragement, on a arrêté. Mais on était quand même avant-gardistes. »

Relevant leurs manches, Dave et Nathalie continuent de brasser les cartes au sein de l’entreprise. « On est allé voir ce qui se faisait au Danemark. Est-ce que c’est vrai que tout est mieux chez les chalutiers de l’Espagne ? Au Portugal, est-ce qu’il se fait quelque chose de pas pire ? »

Cet esprit visionnaire leur permet de faire grandir l’entreprise, notamment en étant les premiers en Amérique du Nord à utiliser les panneaux de chaluts semi-pélagiques Thyboron, lesquels sont plus respectueux des fonds.

« Ils avaient une très belle ouverture d’esprit, mais c’est venu gruger notre profit. On a fait ça pendant 4 ans, puis un moment donné, trop de complexité, trop de découragement, on a arrêté. Mais on était quand même avant-gardistes. »

Ce n’est pas tout.

En 2018, Dave parle de plus en plus de son intérêt à capter des images sous-marines pour améliorer ses performances en mer. Sauf que les caméras sous-marines, ça ne se donne pas. « Nathalie m’a dit : “soit tu t’en fais une, soit tu arrêtes de m’en parler.” Je l’ai regardé et je lui ai dit : “M’en faire une ? J’ai l’air d’un gars qui a les compétences pour me faire une caméra sous-marine ?” Et elle m’a sorti la même phrase que d’habitude : “Entourons-nous de gens qui peuvent nous aider.” »

À l’époque, aucune entreprise n’offre de services de location de caméras sous-marines qui répondent aux besoins des pêcheries Danamé. L’entreprise souhaite avoir des images pour comprendre le comportement de leur chalutier et améliorer ses captures. Ce qu’ils veulent précisément? Une caméra facile d’utilisation et extrêmement solide pour résister aux profondeurs de l’eau.

« Avec des consultants, on a développé notre petite caméra. On a eu du succès. Et les gens ont commencé à en parler autour de nous. C’est à ce moment qu’on s’est dit qu’on pouvait partir une petite compagnie. Et OCÉAN CAM a vu le jour. »

Les panneaux de chalut sont de grandes structures en acier qui maintiennent les chaluts ouverts lors de la pêche.

Nul doute, donc, que le duo d’entrepreneurs n’a pas peur de prendre des risques et carbure à l’innovation, une recette gagnante en affaires. Ce qui ne passe évidemment jamais inaperçu.

« Quelqu’un est venu nous voir et nous a dit qu’il souhaitait acheter notre entreprise. », explique Dave. « Ça devançait nos plans, à Nathalie et moi. On se voyait se retirer du monde de la pêche dans à peu près trois ans parce que de la façon intense dont on le fait, c’est plus fatigant, c’est plus demandant. »

Au moment de l’entrevue, le couple était donc en instance de vente des Pêcheries Danamé, mais n’avait pas du tout l’intention de se retirer complètement du milieu.

Dave et Nathalie n’ont en fait jamais vraiment laissé tomber l’idée de vendre des crevettes en écailles et comptent bien trouver un moyen par lequel le consommateur pourra acheter des crevettes fraîchement sorties de l’eau.

« J’ai bien peur qu’on doive participer à ce type de projet là, même si on n’est plus propriétaires d’entreprises, parce qu’on n’arrêtera pas de penser, ça c’est certain! On aurait une très grande fierté de réussir ça. »

Nathalie Tapp et Dave Cotton (à droite) en compagnie de leur fille Mélodie (à gauche) lors de la conférence SXSW2019 à Austin au Texas