Antoine Nicolas, le plongeur entrepreneur

1 11 2022

Cet article est le 2e de la série Je suis Saint-Laurent.

Par Mange ton Saint-Laurent!

« Si tu veux que ta vie ait un sens, donne à tes rêves de l’importance. »

Voici la citation qui a dicté la vie d’Antoine Nicolas, biologiste et fondateur de l’entreprise gaspésienne Un océan de saveurs spécialisée dans la cueillette et la transformation d’algues fraiches. Parce que passer sa vie près de l’eau – pour ne pas dire dans l’eau – le Breton d’origine y a toujours rêvé.

Crédit photo: Yoanis Menge

Fasciné par la mer et l’environnement aquatique depuis toujours, son tout premier souvenir remonte à ses cinq ans alors qu’il essayait, avec son père, d’attraper des poissons en apnée avec une épuisette. Se dessinent alors les esquisses d’un rêve : devenir chercheur en biologie et découvrir de nouvelles espèces. Mais la vie en décide autrement lorsqu’à 16 ans, le jeune homme visite une entreprise d’aquaculture.

« Je me suis dit « Eurêka ! », c’est ça que je veux faire. De l’aquaculture responsable avec un respect du vivant, avec une éthique derrière. » Déterminé, Antoine obtient sa maîtrise en sciences et technologies des aliments spécialisée dans la qualité, l’aquaculture et la transformation alimentaire des produits de la mer de l’Université du Littoral-Côte-d’Opale en France. Et, en 2011, il quitte la patrie de Molière pour réaliser un stage technique à l’École des pêches et de l’aquaculture du Québec, à Grande-Rivière, en Gaspésie. Et le destin déjoue encore ses plans.

« Je devais rester deux ans : un an d’études et un an de travail. Je ne suis jamais reparti. »

Récoltant des algues pour un centre de recherches, il décide en 2013 de lancer sa propre entreprise et de se jeter à l’eau à l’année pour recueillir les algues du Saint-Laurent et en faire profiter les Québécois.

Pour Un océan de saveurs, il passe au tout début du projet entre 400 et 600 heures dans l’eau, par année. Le membre du collectif Mange ton Saint-Laurent! partage aujourd’hui la tâche avec d’autres plongeurs, car il faut avoir les reins plus que solides pour plonger dans les conditions hivernales du Québec.

« S’il fait -25 °C, l’eau descend à -2 °C parce qu’elle est salée. Ça correspond à peu près à -50 °C ressenti, explique-t-il. Ça prend un excellent équipement sinon on a des engelures. Ça abime le corps. » L’expert de la cueillette d’algues plonge jusqu’à 25 mètres de profondeur et peut rester plus de 5 minutes en apnée sous l’eau.

Crédit photo: Caroline Bolieau pour oceandesaveurs.ca.

Malgré ces conditions extrêmes, la plongée reste ce qui le passionne le plus de son travail. Ça, et le fait de travailler de façon à respecter l’environnement :

« J’ai comme volonté de faire rimer écologie avec économie » explique-t-il. Un océan de saveurs est d’ailleurs le premier producteur d’algues alimentaires certifié biologique et Fourchette bleue au Québec.  

« Il y a un contrôle en amont de l’environnement où on récolte pour vérifier que les zones n’ont pas été polluées. Il y a des analyses d’eau pour voir s’il y a eu contamination… Et puis nos méthodes de récolte doivent permettre une régénération de la ressource. Même chose pour la transformation. On ne peut pas transformer n’importe comment. » explique-t-il.  

En dépit de la passion, le biologiste de formation admet tout de même devoir œuvrer avec les défis liés à l’entrepreneuriat. Bureaucratie liée aux réglementations, volatilité de la main-d’œuvre… « C’est un défi sur le plan psychologique et financier. On est dans un contexte où tout change très rapidement. C’est une charge mentale d’avoir des employés, de m’assurer que j’aie assez à manger, mais que mes employés aussi. Tu peux toujours trouver des solutions, mais c’est une charge mentale. » 

L’entrepreneur semble malgré tout prendre encore beaucoup de plaisir à parler de son métier, de son industrie, de sa terre d’accueil et de son produit : « Les algues, c’est une base de cuisine à part entière. Tu peux très bien l’utiliser sur des petits craquelins, en bouchées, avec un petit morceau de saumon fumé par exemple. Tu peux aussi l’utiliser à la place de la sauce tomate ou du pesto, sur une pâte à pizza, par exemple. Ou encore avec une viande, avec un poisson. Tu badigeonnes ton filet de poisson avant de l’envoyer au four, ça se marie super bien avec un saumon sur lequel il y a des câpres et du jus de citron. » 

« J’ai l’impression qu’au niveau des algues, on a fait au Québec en cinq ans ce que la France a fait en 30 ou 40 ans. Les Québécois sont curieux, ouverts à la nouveauté. »

Et parlant du Québec, ses habitants semblent très heureux de bénéficier de la passion, de l’expertise et du talent de l’entrepreneur-plongeur qu’est Antoine Nicolas. À voir ce que les prochaines années lui réservent.